Regard Soufi : Ne rien savoir...
- Gabrielle Favier

- 24 sept.
- 3 min de lecture
... pour tout rencontrer
« Tout ce que je sais, c’est que je ne sais pas. »
Cette phrase, héritée de Socrate, résonne dans grand nombre des traditions spirituelles.
Dans la voie soufie, elle prend une profondeur particulière : car l’ego (nafs), celui qui prétend savoir et maîtriser, est justement ce qui nous voile l’accès au Réel.
Le chemin soufi est un chemin de dépouillement.
Observer les voiles, les reconnaître, les traverser… C’est accepter que le voyage ne s’arrête jamais. Car souvent, ce que l’on croyait avoir dépassé revient sous une forme plus subtile, comme un parfum persistant.
Le cœur est appelé à traverser encore et encore, jusqu’à se découvrir entièrement libre.
Rûmî nous rappelle :« Quand l’âme a vu le visage du Bien-Aimé,même si cent voiles tombent, elle crie encore :Il y a plus, encore plus à voir ! » (Mathnawî, II, 3050)
Le piège du savoir
Les soufis avertissent : croire que l’on sait, c’est s’éloigner de la Vérité.
Car la Connaissance véritable n’est pas accumulation, mais révélation.
« Si tu crois savoir, sache que tu as encore beaucoup de chemin à faire. »
(parole soufie)
La connaissance apprise peut guider, éveiller, orienter.
Mais elle demeure une carte, non le territoire.
Il y a la connaissance des livres, et il y a la connaissance qui jaillit du cœur.
Rûmî donne cette image lumineuse :
« Comment pourrais-tu connaître le miel en l’étudiant ?
Ce n’est qu’en le goûtant que tu le découvres véritablement. » (Mathnawî, I, 2828)

Le Samâ : l’écoute qui transforme
Le Samâ — littéralement « écoute spirituelle » — est au cœur de la tradition soufie.
On le connaît en Occident comme la « danse des derviches tourneurs ». Mais réduire le Samâ à une danse serait méconnaître sa profondeur.
Le Samâ est une immersion dans la Présence. Chaque tour est une offrande, un abandon du moi pour laisser s’élever l’âme. Avec cette image, qu'en réalité, l'élévation est un chemin vers l'intérieur, vers le Centre du Coeur.
C’est un retour vers l’origine, une dissolution dans le mouvement même de l’univers.
Shams de Tabriz, maître spirituel de Rûmî, disait :« Les danseurs du Samâ ne sont pas ivres de vin, ils sont ivres de lumière. Leur ivresse n’éteint pas la raison,elle l’élève au-dessus de toute raison. »
Plonger dans le Samâ, c’est se rappeler que nous ne savons rien.
C’est laisser l’expérience parler là où les mots échouent.
Le rôle de l’apprentissage
Les maîtres soufis insistent : l’étude et l’apprentissage ne sont pas inutiles. Ils sont comme des jalons, des repères qui préparent l’âme à franchir des seuils. Ils révèlent les obstacles, les illusions et les pièges du mental.
Mais ils ne sont pas une fin en soi : ils pointent vers l’expérience, qui seule conduit à la Rencontre.
« Les mots sont des prétextes.
Ce qui attire l’homme à l’homme, c’est l’essence intérieure. » (Rûmî)
Expérimenter, au sein de la Symphonie de l’Amour
C’est dans cette approche que s’inscrivent les transmissions de Gabrielle Favier.
Ici, l’enseignement n’est pas un discours abstrait, mais une invitation vivante.
Traverser les mots pour aller à l’expérience.
Danser pour rencontrer.
Se dépouiller pour goûter. Goûter pour se dépouiller.
Car non, la danse soufie n’est pas une performance. C’est un rappel. Une offrande. Un retour au Bien-Aimé.




Commentaires